Beatitude
"Il était une fois..."
      Il était une fois, oui, il était une fois, mais je ne me souviens plus bien quoi, on me disait, oui, il était une fois, c'est ma maman qui me le disait, il était une fois un gros lapin tout rose, ou bien bleu, je ne me souviens plus très bien, un gros lapin qui avait décidé de faire un voyage interstellaire, parce qu'il se disait en lui-même pourquoi pas, c'est vrai quoi, tous ces hommes qui partent en voyage à travers les étoiles, pourquoi pas moi, qu'il se disait, pourquoi pas moi, et le voilà qui part vers le port stellaire le plus proche, Mnèsithée qu'il s'appelait, le port, parce qu'à l'époque, enfin, quand j'étais petit, les ports stellaires avaient de plus jolis noms que maintenant, si d'ailleurs on peut dire que ces alignements de lettres et de chiffres ce soit leur nom, bref voilà notre lapin qui part vers Mnèsithée pour voir si, par hasard, il ne pouvait pas trouver un navire sur lequel embarquer sans trop se faire voir, pour découvrir si ce que les hommes disaient sur les étoiles était vrai ou pas, s'il y avait ces mondes merveilleux au ciel vert, ou gris, avec deux ou trois étoiles pour les éclairer, et personne pour nous empêcher de débarquer, parce qu'à l'époque, les hommes aimaient mieux être seuls sur les mondes qu'ils découvraient, même s'ils rêvaient tous de découvrir une autre forme de vie, comme ils disaient, allez comprendre les hommes, vous, mais revenons à notre lapin, il cherchait donc une navette dans laquelle embarquer, mais il devait se cacher et attendre la nuit, parce que personne ne devait le voir embarquer, sans quoi, hop, dehors, et plus de navette, et plus de voyage par la même occasion, et donc notre bon lapin d'attendre la nuit, caché au milieu de caisses de toutes sortes, et regardant les hommes s'agiter autour de ces appareils brillants, comme ces feuilles d'aluminium alimentaire quand on présente devant le soleil ces barquettes plastiques qui en sont recouvertes comme pour mieux conserver ce qu'on a mis dedans, et c'est normal parce que ces navettes étaient en alliage d'aluminium, ou quelque chose du genre, enfin voilà la nuit qui se pointe, et le lapin qui regarde attentivement vers toutes les navettes pour voir si il n'y en a pas une qui lui irait, enfin,  s'il n'y en a pas une  qui serait  un peu moins  surveillée
que les autres, ou pas surveillée du tout, même, ce qui serait encore mieux, et soudain, il la voit, la Korè, une grande navette toute noire qui l'attendait presque, pour ainsi dire, oui, il sait que c'est une chance qu'il n'a pas le droit de laisser passer, alors il fonce entre les caisses, les câbles et tous ces tuyaux qui sortent de partout sur les lieux de décollage et d'atterrissage, et, ça y est presque, il est aux pieds de la Korè, et hop, ça y est, oui, il est monté dedans, et il peut aller dans la cale, il se cache bien, il ne faut surtout pas que les hommes le trouvent, et, une fois caché, il est très heureux, tellement heureux, tellement très heureux, et alors la Korè décolle, et là il se sent tout drôle, d'un coup, pas à cause du décollage, non, ça il sait qu'il peut le supporter, mais il a comme un noeud qui se forme en lui, oui, un noeud, bizarre pour un lapin, vous me direz, mais si, c'est un noeud à l'estomac, ou à ce qui lui sert d'estomac, vous savez moi, ça fait longtemps que j'en ai pas vu, des lapins, enfin bref, il a comme un noeud, car il pense à tous les autres lapins qui ne connaîtront jamais le plaisir qu'il éprouve lui en ce moment, et quelque part ça le rend comme triste, puis, doucement, il guérit de cette tristesse en se disant qu'il pourra raconter tout ce qu'il verra à tous ceux qui seront autour de lui quand il rentrera de voyage et qu'il aura vu tout ce qu'il aura vu, ces paysages magnifiques et ces couchers de soleils multiples, oui, il faut qu'il se souvienne de tout pour pouvoir leur dire, il faut, oui, il doit, c'est pour lui mais surtout pour tous ceux qui ne seront pas là, à vivre ce que lui vivra, alors, doucement, il redevient plus joyeux, et alors il attend, et prête l'oreille aussi, pour savoir où il va, et quand il arrivera, pour savoir s'il aura assez de vivres, parce qu'il a pris quelques bouts de carottes, bien sûr, pour pouvoir vivre sans être vu le plus longtemps possible, pour ne pas avoir à aller chercher, dans la réserve de l'équipage, de la nourriture, parce que même si un lapin ça ne mange pas beaucoup, au bout d'un certain temps, ça ce serait vu quand même, alors le voilà qui écoute les hommes qui parlent, et il entend qu'ils vont vers une planète qui a trois soleils, et deux lunes, et que son atmos-phère est respirable pour les hommes, donc sûrement aussi (s)
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