elle y effleure la main du passant ; elle y étale aux rayons du soleil sa gorge rebondie, et toute une cour d'abeilles et de frelons murmure autour d'elle matin et soir. Le voyageur dévoré de soif peut se coucher sous ses rameaux verts ; jamais elle ne l'a laissé languir, jamais elle ne lui a refusé les douces larmes dont son coeur est plein. Ah ! Marianne, c'est un don fatal que la beauté ! — La sagesse dont elle se vante est soeur de l'avarice, et il y a plus de miséricorde dans le ciel pour ses faiblesses que pour sa cruauté. Bonsoir, cousine ; puisse Coelio vous oublier !
Il entre dans l'auberge, Marianne dans sa maison.
(p)
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Acte Second
Scène Deuxième
Une autre rue.
Coelio, Ciuta.
CIUTA. - Seigneur Coelio, défiez-vous d'Octave. Ne vous a-t-il pas dit que la belle Marianne lui avait fermé sa porte ?
COELIO. - Assurément. — Pourquoi m'en défierais-je ?
CIUTA. - Tout à l'heure, en passant dans sa rue, je l'ai vu en conversation avec elle sous une tonnelle couverte.
COELIO. - Qu'y a-t-il d'étonnant à cela ? il aura épié ses démarches et saisi un moment favorable pour lui parler de moi.
CIUTA. - J'entends qu'ils se parlaient amicalement et comme des gens qui sont de bon accord ensemble.
COELIO. - En es-tu sûre, Ciuta ? Alors je suis le plus heureux des hommes ; il aura plaidé ma cause avec chaleur.
CIUTA. - Puisse le ciel vous favoriser !
Elle sort.
COELIO. - Ah ! que je fusse né dans le temps des tournois et des batailles! Qu'il m'eût été permis de porter les couleurs de Marianne et de les teindre de mon sang ! Qu'on m'eût donné un rival à combattre, une armée entière à défier ! Que le sacrifice de ma vie eût pu lui être utile ! Je sais agir, mais je ne puis parler. Ma langue ne sert point mon coeur, et je mourrai sans m'être fait comprendre, comme un muet dans une prison.
Il sort.
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