Beatitude
Les Caprices de Marianne
ami, c'est une rouerie trop commune pour moi. Marianne ou toute autre, qu'est-ce que cela me fait ? La véritable affaire est de souper ; il est clair que Coelio est à jeun. Comme tu m'aurais détesté, Marianne, si je t'avais aimée ! comme tu m'aurais fermé ta porte ! comme ton bélître de mari t'aurait paru un Adonis, un Sylvain, en comparaison de moi ! Où est donc la raison de tout cela? pourquoi la fumée de cette pipe va-t-elle à droite plutôt qu'à gauche ? voilà la raison de tout. — Fou ! trois fois fou à lier, celui qui calcule ses chances, qui met la raison de son côté ! La justice céleste tient une balance dans ses mains. La balance est parfaitement juste, mais tous les poids sont creux. Dans l'un il y a une pistole, dans l'autre un soupir amoureux, dans celui-là une migraine, dans celui-ci il y a le temps qu'il fait, et toutes les actions humaines s'en vont de haut en bas, selon ces poids capricieux.
UN DOMESTIQUE, entrant. - Monsieur, voilà une lettre à votre adresse ; elle est si pressée que vos gens l'ont apportée ici ; on a recommandé de vous la remettre, en quelque lieu que vous fussiez ce soir.
OCTAVE. - Voyons un peu cela. (il lit.) « Ne venez pas ce soir. Mon mari a entouré la maison d'assassins, et vous êtes perdu s'ils vous trouvent. » « MARIANNE. » Malheureux que je suis ! qu'ai-je fait ? Mon manteau ! mon chapeau ! Dieu veuille qu'il soit encore temps ! Suivez-moi, vous et tous les domestiques qui sont debout à cette heure. Il s'agit de la vie de votre maître.
Il sort en courant.









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Acte Second
Scène Cinquième


Le jardin de Claudio. — Il est nuit.
Claudio, deux spadassins, Tibia.
CLAUDIO. - Laissez-le entrer, et jetez-vous sur lui dès qu'il sera parvenu à ce bosquet.
TIBIA. - Et s'il entre par l'autre côté ?
CLAUDIO. - Alors, attendez-le au coin du mur.
UN SPADASSIN. - Oui, monsieur.
TIBIA. - Le voilà qui arrive. Tenez, Monsieur, voyez comme son ombre est grande ! c'est un homme d'une belle stature.
CLAUDIO. - Retirons-nous à l'écart, et frappons quand il en sera temps.
Entre Coelio.
COELIO, frappant à la jalousie. - Marianne ! Marianne ! êtes-vous là ?
MARIANNE, paraissant à la fenêtre. - Fuyez, Octave; vous n'avez donc pas reçu ma lettre ?
COELIO. - Seigneur mon Dieu ! Quel nom ai-je entendu ?
MARIANNE. - La maison est entourée d'assassins! mon mari vous a vu entrer ce soir ; il a écouté notre conversation, et votre mort est certaine, si vous restez une minute encore.
COELIO. - Est-ce un rêve ? suis-je Coelio ?
MARIANNE. - Octave, Octave ! au nom du ciel, ne vous arrêtez pas ! Puisse-t-il être encore temps de vous échapper ! Demain trouvez-vous à midi dans un confessionnal de l'église, j'y serai.
La jalousie se referme.
COELIO. - O mort ! puisque tu es là, viens donc à mon secours. Octave, traître Octave ! puisse mon sang retomber sur toi ! Puisque tu savais quel sort m'attendait ici, et que tu m'y as envoyé à ta place, tu seras satisfait dans ton désir. O mort ! je t'ouvre les bras ; voici le terme de mes maux.
Il sort.
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