Chez Claudio
Claudio, Marianne.
CLAUDIO. - Pensez-vous que je sois un mannequin et que je me promène sur la terre pour servir d'épouvantail aux oiseaux ?
MARIANNE. - D'où vous vient cette gracieuse idée ?
CLAUDIO. - Pensez-vous qu'un juge criminel ignore la valeur des mots, et qu'on puisse se jouer de sa crédulité comme de celle d'un danseur ambulant ?
MARIANNE. - A qui en avez-vous ce soir ?
CLAUDIO. - Pensez-vous que je n'ai pas entendu vos propres paroles : si cet homme ou son ami se présente à ma porte, qu'on la lui fasse fermer ; et croyez-vous que je trouve convenable de vous voir converser librement avec lui sous une tonnelle, lorsque le soleil est couché ?
MARIANNE. - Vous m'avez vue sous une tonnelle ?
CLAUDIO. - Oui, oui, de ces yeux que voilà, sous la tonnelle d'un cabaret : la tonnelle d'un cabaret n'est point un lieu de conversation pour la femme d'un magistrat, et il est inutile de faire fermer sa porte quand on se renvoie le dé en plein air avec si peu de retenue.
MARIANNE. - Depuis quand m'est-il défendu de causer avec un de vos parents ?
CLAUDIO. - Quand un de mes parents est un de vos amants, il est fort bien fait de s'en abstenir.
MARIANNE. - Octave ! un de mes amants ? Perdez-vous la tête ? il n'a de sa vie fait la cour à personne.
CLAUDIO. - Son caractère est vicieux. — C'est un coureur de tabagies.
MARIANNE. - Raison de plus pour qu'il ne soit pas, comme vous dites fort agréablement, un de mes amants. Il me plaît de parler à Octave sous la tonnelle d'un cabaret.
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