Beatitude
Les Caprices de Marianne
OCTAVE. - Oui, vous avez raison, je sais tout le tort que mon amitié peut faire. Je sais qui je suis, je le sens ; un pareil langage dans ma bouche a l'air d'une raillerie, vous doutez de la sincérité de mes paroles ; jamais peut-être je n'ai senti avec plus d'amertume qu'en ce moment le peu de confiance que je puis inspirer.
MARIANNE. - Pourquoi cela ? Vous voyez que j'écoute. Coelio me déplaît ; je ne veux pas de lui. Parlez-moi de quelque autre, de qui vous voudrez. Choisissez-moi dans vos amis un cavalier digne de moi ; envoyez-le-moi, Octave. vous voyez que je m'en rapporte à vous.
OCTAVE. - O femme trois fois femme! Coelio vous déplaît, — mais le premier venu vous plaira. L'homme qui vous aime depuis un mois, qui s'attache à vos pas, qui mourrait de bon coeur sur un mot de votre bouche, celui-la vous déplaît ! il est jeune, beau, riche et digne en tout point de vous ; mais il vous déplaît ! et le premier venu vous plaira !
MARIANNE. - Faites ce que je vous dis, ou ne me revoyez pas.
Elle sort.
OCTAVE, seul. - Ton écharpe est bien jolie, Marianne, et ton petit caprice de colère est un charmant traité de paix. Il ne me faudrait pas beaucoup d'orgueil pour le comprendre : un peu de perfidie suffirait. Ce sera pourtant Coelio qui en profitera.
Il sort










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Acte Second
Scène Quatrième


Chez Coelio.
Coelio, un domestique.
COELIO. - Il est en bas, dites-vous ? Qu'il monte. Pourquoi ne le faites-vous pas monter sur-le-champ ? (Entre Octave.) Eh bien ! mon ami, quelle nouvelle ?
OCTAVE. - Attache ce chiffon à ton bras droit, Coelio ; prends ta guitare et ton épée. — Tu es l'amant de Marianne.
COELIO. - Au nom du ciel, ne te ris pas de moi !
OCTAVE. - La nuit est belle ; — la lune va paraître à l'horizon. Marianne est seule, et sa porte est entre ouverte. Tu es un heureux garçon, Coelio.
COELIO. - Est-ce vrai ? — est-ce vrai ? Ou tu es ma vie, Octave, ou tu es sans pitié.
OCTAVE. - Tu n'es pas encore parti ? Je te dis que tout est convenu. Une chanson sous sa fenêtre ; cache-toi un peu le nez dans ton manteau, afin que les espions du mari ne te reconnaissent pas. Sois sans crainte, afin qu'on te craigne ; et si elle résiste, prouve-lui qu'il est un peu tard.
COELIO. - Ah ! mon Dieu, le coeur me manque.
OCTAVE. - Et à moi aussi, car je n'ai dîné qu'à moitié. Pour récompense de mes peines, dis en sortant qu'on me monte à souper. (Il s'assoit.) As-tu du tabac turc ? Tu me trouveras probablement ici demain matin. Allons, mon ami, en route ! tu m'embrasseras en revenant. En route, en route ! la nuit s'avance.
Coelio sort.
OCTAVE, seul. - Écris sur tes tablettes, Dieu juste, que cette nuit doit m'être comptée dans ton paradis. Est-ce bien vrai que tu as un paradis ? En vérité, cette femme était belle, et sa petite colère lui allait bien. D'où venait elle ? C'est ce que j'ignore. Qu'importe comment la bille d'ivoire tombe sur le numéro que nous avons appelé. Souffler une maîtresse à son
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