simples confrontés à la vie elle-même. A l’évidence de la vie et dans la vie. Comme dans "Lézard", ma nouvelle fétiche...
Au moment de nous quitter, à la gare, elle m’a dit : "Merci de m’avoir invitée... Vous savez, je n’ai pas d’amis. Et puis avec mes parents, on ne se dit presque rien. Ca faisait une éternité que je n’avais pas parlé de moi, j’ai l’impres-
sion d’avoir été un peu trop bavarde."
Il y avait l’obscurité de la nuit, les gens qui passaient dans la rue. La brise nocturne, les fenêtres des buildings. Le bruit des trains de banlieue. Comme un écho venant de loin, la sonnerie qui marque le départ des trains. Et le visage de Lézard, avec ses yeux si bridés.
J’ai dit : "J’aimerais bien vous revoir", et je lui ai pris la main.
Cette main, j’avais eu envie, terriblement envie de la toucher, à en devenir fou, à ne plus pouvoir rester en place, pour la saisir je me
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sentais prêt à tout, dieux du ciel aidez-moi !
C’est ce que je me suis dit. Et aussitôt, j’ai osé. Naturel ou non, la question n’était pas là. Je ne pouvais pas faire autrement. Je l’avais oublié. Mais au fond, les choses se passent comme ça. On est deux, on ne se déplaît pas, on décide de se voir, sans plus, mais la soirée se prolonge, on mange, on boit, et ensuite... est-ce qu’on peut aller plus loin dès ce soir ? Ce n'était pourtant pas prévu par un accord tacite, mais on est pris de l’envie de la toucher, de l’embrasser, de la serrer dans ses bras, on n’en peut plus, on voudrait s’appro-cher un peu plus d’elle, on ne pense plus qu’à ça, on en pleurerait, c’est maintenant ou jamais, avec elle et pas une autre. C’est ça, l’amour. Je l’avais oublié.
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Elle m’a dit : "Oui, moi aussi", et elle m’a donné son numéro de téléphone.
Elle a monté l’escalier de la gare sans se retourner. J’ai vu sa silhouette dis-paraître dans la foule. Elle s’en allait.
Et comme si le monde s’écroulait, j’ai eu le senti-ment d’avoir tout perdu.
Bibliographie :
- Kitchen (Gallimard 1994 ; Folio n°2815)
- N°P (Rivages 1997 ; Rivages Poche n°274)
- Lézard (Rivages 1999 ; Rivages Poche n°354)
- Dur, dur (Rivages, 2001)
- Le Dernier Jour (Picquier, 2001)
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Article écrit en avril 2002 et mis en ligne le 19 septembre 2002
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