Beatitude
"Chacun est fait pour vivre ce qu'il est"
amer breuvage que je dois cependant absorber comme des gouttes, lentement, une à une, en comptant." Quand on est à ce stade là, on est bon pour commencer à vivre. A s'ouvrir vers autre chose. (Etonnant, n'est-ce pas, qu'il soit l'une des références des penseurs de l'absurde, non ? ;-) )

Kitchen
      Il se passe un peu la même chose pour les personnages de Banana Yoshimoto. Ils possèdent une vie des plus naturelles, dans un Japon bien huilé, sans accroc. Et soudain, c'est le choc. Quelque chose arrive, qui bouleverse. Et qui nous rend à nous même, à notre humanité.
      La révolution actuelle au Japon se passe d'ailleurs ainsi. Après ces années post deuxième guerre mondiale, où l'individu a été gommé au profit du redressement du pays,   les jeunes gens,   de  la
manière la plus simple qui soit, est en train de redonner un sens au terme individu.

Une histoire de katsudon
      Ce n'est ainsi pas étonnant que dans le dernier recueil publié en France, Le Dernier Jour, cette soudaine décou-verte de sa propre vie se passe également dans un cadre d'éloignement géogra-phique. Et même, la première nouvelle peut se terminer tout naturellement par un "C’était d’une tristesse à donner le vertige, pourtant, je ne sais pas pourquoi, cette vision m’a apaisée. Et pour vivre, pour que mon corps vive au-jourd’hui, j’ai croqué à belles dents dans mon sandwich."
      Certains pourrait crier à l'effet facile. A une manière d'enfoncer des portes ouver-tes. Mais je dirais : justement. C'est là toute la grande force de ce type de discours. C'est comme certaines des chan-sons de Zazie, que l’ont critique pour la simplicité des textes... Oui, dire ces choses ne mangent pas de pain. Mais l'important c'est que, juste-ment, elles soient dites. "La tautologie est et reste le prin-cipe  suprême et   fondamental
N°P
de la pensée", écrit encore tonton Sören.
      Cette idée de la mort, ou d'un évènement fort, comme réveil à la vie, est présent dans tous les textes de Banana Yoshimoto.
      Son autre roman dispo-nible en France, N°P, raconte l'histoire d'un grand écrivain japonais, émigré au Etats-Unis, qui s'est suicidé, et qui laisse derrière lui un recueil de nouvelles, écrites en anglais. Et les traducteurs à qui a été confié la lourde tâche de rendre cette oeuvre posthume accessible au public japo-nais... se suicident eux aussi les uns après les autres. Notre parcours dans ce roman est celle de la dernière traduc-trice.
      L'idée est fondamentale-ment bouddhiste. Idée de l’immersion de soi dans un monde complexe et qu'il est tellement plus simple d'oublier dans   une mécanique  d’oubli
de soi, et qui nous éclaire sur nous-même. La soudaine con-naissance que nous avons une place au milieu des étoiles. Si fragile et nullement démesurée, sans esprit de grandeur ni de supériorité, mais sans com-plexe infériorisant non plus. René Descartes, à qui on avait demandé à quoi pouvait bien servir d’apprendre à jouer du luth puisque nous allions mourir, a répondu "pour pou-voir jouer du luth avant d’avoir à mourir". Vérité dé-couverte, chez Banana Yoshi-moto, et dans le bouddhisme, par cette immersion dans le monde, qui nous donne, nous rend, à nous même. "Chacun est fait pour vivre ce qu’il est" (c’est pas moi qui le dit, c’est dans Kitchen)
      Elle l’exprime encore (et toujours) dans la nouvelle "Le Dernier Jour" (dans le recueil du même nom) : "Dans ces moments, j’ai l’impression que je suis enveloppée dans un tout plus grand que moi, et mon coeur retrouve une blancheur immaculée, comme s’il avait été lavé."
      Mais la meilleure preuve, ce sont tous ses textes. Ses petites     histoires    de    gens
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