Beatitude
Relire un classique : Le Profanateur de Philip K. Dick
      Il y a des bouquins qui ne méritent pas le sort qui leur est réservé. Avouez-le, même si vous connaissiez le nom de Philip K. Dick (ce dont je ne doute pas...), ce roman, Le Profanateur, deuxième roman à avoir été publié par lui, vous était, je suppose totalement inconnu… Pourtant, lorsqu’il était demandé à Phil Dick lequel de ses premiers romans comptait le plus pour lui, il répondait immanquablement celui-ci.. Il est même, je cite, "[sa] première tentative d’hu-mour dans un roman de SF..." C’est tout dire !
      L’histoire est fort simple. Imaginez un monde dans lequel une guerre nucléaire a tout détruit (comme roman humoristique, ça part fort !...) Sur les cendres de l’ancienne civilisation a été érigé, par un homme charmant répondant au doux nom de Major Streiter (prononcer la chose avec un fort accent allemand, merci), une société basée sur un idéal communiste poussé à son degré ultime, où tous les individus ont droit au même studio minuscule, où ils ne sont en dernière instance consi-dérés que comme de purs ci-toyens, et non pas comme des
Le Profanateur
êtres individuels (l’intérêt général y étant infiniment plus important que l’intérêt particu-lier), bref, où ils ne sont que les parties minuscules d’un grand tout, une pièce dans une société bien huilée...
      Dans ce monde charmant existent des comités de surveillance des citoyens. Pour vous résumer la chose, on peut dire ue dans chaque immeuble, toutes les semaines, chacun peu dénoncer un des locataires du même immeuble, et que ce dernier se verra alors obligé de répondre des ses actes devant un tribunal, dont les membres sont en fait ses voisins de paliers... Ces comités sont l’assise du pou-voir de l’Etat, et ces dans ses rangs que sont choisis les Gardiens de la Morale Publi-que. Et Allan Purcell (le per-sonnage central du roman) est
sur le point de recevoir cet honneur suprême, celui qu’il doit remplacer ayant vague-ment tourné maboul...
      Seulement voilà, dans cette société parfaite, quel-qu’un vient de commettre un acte répréhensible. Pire, un crime de lèse-majesté : la grande statue du major Streiter a été profané (de ma-nière assez comique, d’ail-leurs...) Les bons citoyens sont inquiets. C’est la morale qui fout le camp ! Le monde va sombrer dans le chaos ! C’est l’horreur suprême, la pire infamie ! Seulement voilà, celui qui a fait le coup, c’est Allan Purcell... La question, pour lui, est donc de savoir quoi faire si jamais l’Etat l’apprend, et quelle implica-tions cela pourrait avoir ; et pour nous, la question est de savoir s’il est le chantre de l’ordre moral, ou l’anti-citoyenneté faite homme ? Car, pourquoi avoir fait cet acte, qui a désacré (le japed du titre original, un néo-logisme) le symbole même de l’Etat ? Je ne vous en direz pas plus sur l’intrigue. Non, non, n’insistez pas. Allez plutôt lire le bouquin, si vous voulez savoir la suite...
      Une chose, quand même. Une remarque sur la typologie dickienne.
      Vous voyez, ce bouquin n’est que son deuxième roman publié, et déjà l’une des fi-gures majeures de son écriture pointe le bout de son nez... Quelle figure ? Celle qu’il appellera plus tard le rédemp-teur (attention, ce terme n’a pas vraiment à prendre dans son acception religieuse) (il faut le prendre plutôt au niveau métaphysique...) (mais j’en reparle plus loin) (et, promis, j’arrête avec cet enchaînement de parenthèses) Le rédempteur, chez Phil Dick, c’est une personne qui, dans un monde totalement mécanisé, inhumain, prouve soudain son humanité par un acte sortant de la logique mécaniste du monde qui l’entoure. Un acte bizarre, décalé, minime, mais qui change tout. Allez jeter un coup d’oeil dans le recueil de textes critiques, publié en 1998, Si ce monde vous déplaît, et autres écrits. Vous pourrez y voir cette figure du rédempteur, toujours au centre de la réflexion dickienne.
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